Les salles de concerts du Valais poursuivent leur programmation musicale 24-25. Elles vous proposent un joli voyage entre différents styles musicaux, tout en vous offrant la possibilité d'écouter...
En général, les jeunes hommes qui arborent des tatouages et des piercings au visage paraissent immanquablement rebelles. Fréquemment, ces accessoires se révèlent comme superficiels. Mais pas chez Ramon Schnyder. Son œuvre témoigne d’une rébellion intériorisée. Il s’élève contre les schémas de pensées et les pièges intellectuels. L’artiste des arts visuels est de ceux qui tiennent tête et interrogent ; un anticonformiste.
Afin de toujours se souvenir qu’il est important de ne pas accepter les points de vue existants sans esprit critique, il s’est érigé un mémorial personnel sous forme d’un arbre à carottes (Rieplibäüm) qu’il s’est tatoué sur sa peau. « Enfant, j’ai peint un arbre à carottes. Au jardin d’enfants, on m’a expliqué qu’un tel arbre n’existait pas. Du coup, j’ai redessiné par-dessus » raconte Ramon Schnyder. Ce qu’il en a retenu : « Si tu veux plaire à la société, tu dois adopter ses points de vue. » Bien plus tard, dans le cadre de son travail de master, il a repris ce thème et réalise l’installation Rieplibäüm, soit une relecture de ses expériences au jardin d’enfants, à une époque où il ne faisait pas confiance à sa propre vision des choses. « Ma décision d’agir en fonction de la norme venait de mon désir d’être accepté. » Mais aujourd’hui, s’en est terminé de ces adaptations irréfléchies. L’artiste, designer, graphiste et punk-rocker se proclame anarchiste en combat contre les normes et les sentiers battus.
Son parcours artistique n’a rien d’un chemin tout tracé. Le choix de devenir artiste visuel s’est révélé tardivement. Le jeune homme de Glis suit d’abord un apprentissage comme constructeur métallique. Mais pour des raisons de santé, il doit se réorienter. Il se décide alors de s’inscrire à l’ECAV, l’école cantonale d’art du Valais, où il obtient un diplôme de designer quatre ans plus tard. Il se forme en pédagogie et décroche un master en Fine Arts à l’institut d’art de Bâle (FHNW).
Après quelques années d’enseignement à temps partiel en graphisme et design au centre professionnel du haut-Valais, il souhaite dorénavant se consacrer uniquement à son art. Ce qui englobe le design, le graphisme mais aussi la sculpture et la photographie. Ses œuvres semblent au premier regard empruntes de simplicité. Mais très vite on s’aperçoit qu’on peut les considérer à différents niveaux.
« Les objets peuvent déployer des effets totalement nouveaux s’ils sont placés dans un autre contexte ou réalisé avec un autre matériau » explique le jeune homme. Ainsi, ses « lingots d’or », réalisés en métal et astucieusement laqués, exposés sous verre dans un musée, fascinent longuement les visiteurs. Immanquablement, les rêves de fortune ou autres possibilités qu’offrirait la possession d’un lingot de cette taille, se mettent à hanter l’esprit du spectateur. Il obtient des effets semblables en échangeant les matériaux. Il réalise des masques de carnaval du Lötschental (Tschäggättä) en tôle alors qu’ils sont traditionnellement taillés dans du bois. À nouveau, il nous invite silencieusement à questionner les objets et à être critique même face à la tradition. Parfois, il dépose un objet dans un contexte décalé : une balançoire accrochée à une façade de maison à 10 mètres du sol, inatteignable. Notre regard s’élève, entre convoitise et frustration. L’art de Ramon Schnyder se joue essentiellement dans la tête du visiteur. Accueillir ses émotions, laisser ses pensées se développer et se prolonger, voilà ce qui attend celui qui se confronte aux œuvres du jeune artiste.
Il forme avec Leo Thiakos le collectif d’artistes Quater/Three. « Cette collaboration est très inspirante pour moi. Chacun amène ses idées et alors apparaît quelque chose de neuf et d’unique. » Une œuvre du collectif Quater/Three a été exposée le long du sentier des sculptures à Belalp. Des pailles géantes incitaient le visiteur à réfléchir sur ses comportements de consommateur et ses incidences sur la nature.
Si on demande à Ramon Schnyder où il se voit dans dix ans, il répond à brûle pourpoint : « Dans dix ans, je me vois en train de surfer dans une vague parfaite avec mon reflet dans l’eau chaude ou en train d’essuyer la neige poudreuse sur mes lunettes de snowboard. » Mais ce qu’il veut par-dessus tout, c’est penser et agir hors des sentiers battus.
Parution: février 2017
Texte: Nathalie Benelli
Photos: © Valérie Giger
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