Les théâtres du Valais romand sont a mi-chemin de leur saison 24-25. Du coup, en ce début d'année, on vous propose de (re)découvrir les spectacles qui n'attendant que vous. Et n'oubliez pas,...
Nombreuses sont les personnes qui acceptent que leur vie soit marquée au fil des ans d’un certain ralentissement : elles débutent leur existence dans les hauteurs d’une enfance explosive et multiple pour ensuite descendre dans la vallée d’un quotidien plus ronronnant. Nos impressions sensorielles et émotions restent alors comme dissimulées en couches sédimentaires sous la surface du sol. L’artiste David Zehnder n’est pas de ceux-là. Il a su garder un lien étroit et accès direct à ses sens. Nul besoin de les chercher activement, il préfère les laisser émerger intuitivement.
C’est entre autre Internet qui lui permet ce voyage intérieur. Il se laisse dériver par ce flot ininterrompu d’images. Et quand l'une d'entre elles lui parle, il la considère de plus près et s’intéresse aux antécédents qui ont motivé sa publication. Il devient alors un chercheur, un collectionneur, et se met en quête d’autres images semblables. « Ce que l’on retient parmi des milliers d’images est toujours révélateur de nous-mêmes. Aucun autre n’alignerait exactement les mêmes images dans cet ordre » nous confie David Zehnder. Ces séries d’images deviennent très personnelles, même s'il n’en est pas l’auteur. Mais les contenus dont il s’empare vont au-delà d’une exposition nombriliste et personnelle. Le photographe apparait comme un subtil observateur des questions de société et des interrogations humaines. Il constate ce qui est et le donne à voir, ni plus ni moins.
La série de photo « Different Bodybuilders with different Newspapers in front of different Backgrounds » est un bon exemple de son travail. Des personnes regardent tristement la camera, un journal à la main. Elles nous rappellent des victimes de prises d’otages photographiées par leurs bourreaux. À première vue, on ne saisit pas dans quel but ces images ont été prises. Puis la juxtaposition de photographies identiques donne un sens profond aux documents : les hommes et les femmes représentés ne sont pas victimes d’actes criminels, mais victimes d’elles-mêmes et de leur représentation d’un corps parfait. Car ces images publiées sur Internet servent à marquer le début d’une diète ou d’un entraînement intensif. Le regard de la communauté Internet sert alors à renforcer la motivation pour atteindre cet objectif ambitieux. Bien sûr une seconde image d’un moi amélioré devra apparaître dans quelques temps sur cette même page. Mais c’est rarement le cas. Le regard de ces « perdants » n’en est que plus triste.
Avec son œuvre, David Zehnder interroge une société qui a fait du culte du corps une mesure pour la réussite sociale. Pourtant, la relation à son propre corps n’est pas toujours simple, elle non plus. « Un artiste travaille le plus souvent mentalement, avec sa créativité. Il lui faut peut-être plus que d’autres s’ancrer consciemment dans son propre corps » nous confie l’artiste âgé de 39 ans.
Originaire de Brigue, il ne voit pas de contradiction à ce que lui, photographe professionnel, pêche des images sur Internet plutôt que de les produire lui-même. Son travail d’artiste consiste à situer ces images dans un nouveau contexte. Les cerfs, flashés par des pièges photos placés par des chasseurs, deviennent des objets d’art une fois couchés sur un papier luxueux, indépendamment du fait que ces photos servent d’abord à vérifier qu’il y a bien du gibier à tirer à cet endroit. Les images d’instruments de chirurgie mis en évidence sur un fond bleu ciel deviennent soudainement oppressantes dans l’œuvre de David Zehnder. Il importe à l’artiste de ne pas se limiter à son monde intérieur, mais d’extérioriser sa propre énergie positive créative. En 2013, il crée avec un ami artiste le collectif « Teaching artist ». Depuis, il conçoit des projets participatifs avec des inconnus, toute génération confondue. À travers ces actions artistiques menées dans des écoles, musées, festivals et médiathèques, il cherche à éveiller l’intérêt pour l’art et la culture auprès des participants.
Son projet « Welt im Dorf », qu’il produit dans le cadre du programme Art en partage de l’Etat du Valais, va dans le même sens. Dans un processus de création collective avec la population de Simplon-Village, David Zehnder tente de mettre en image les questions qui se posent autour du village. Le groupe de personnes intéressé par ce projet est accompagné par le photographe durant toute une année. Périodiquement, ils évaluent, discutent et étudient ensemble le matériel obtenu par ces « villageois-reporters ». Il en résulte des chroniques visuelles qui ouvrent le regard autan sur la sociologie, l’architectue que l’histoire de ce village situé au sud du col du Simplon. Ces travaux seront ensuite exposés au musée de Simplon-Village (Ecomuseum).
L’artiste valaisan habite à Bâle et travaille à Berne. Il a déjà régulièrement exposés ses photographies et vidéos en Suisse et à l’étranger et il est notamment soutenu par la « CIE Contemporary Gallerie » à Milan. Mais on peut aussi le rencontrer en Valais lorsqu’il réalise l’un ou l’autre projet. Voyager ainsi à travers toute la Suisse ne le dérange pas. Là où il travaille lui importe peu. Où qu’il soit, ce qui l’intéresse, ce sont avant tout ces processus de changement. Et parfois, c’est lui qui tient l’appareil photo à la main.
David Zehnder
Teaching Artist
Zehnder Photography
Contempory David Zehnder
Parution: mai 2017
Texte: Nathalie Benelli
Photos: © Valérie Giger
Les arts de la scène, les arts visuels, le cinéma, la littérature ou la musique sont toute leur vie. Tous les deux mois, nous vous invitons à découvrir un ou une artiste ayant un lien avec le Valais, qu'il soit un jeune talent ou une personnalité reconnue.
Régine Boichat
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