Pour sa 19e édition, la Nuit des Musées réunit 41 institutions culturelles et lieux d’expositions à travers le canton. Samedi 9 novembre 2024, profitez d’une ambiance automnale festive...
Laure Dupont portait jusqu’à présent de longs cheveux bruns qui lui tombaient sur les épaules et marquaient les bords de son visage d’un trait fin et délicat. Mais aujourd’hui, sa nuque est entièrement dégagée, quelques mèches lui caressent tendrement la joue et elle nous accueille, souriante, à Saxon où le vent, pour une fois, a décidé de baisser les armes. C’est dans ce charmant village aux ruelles sinueuses qu’elle a grandi et c’est encore ici, dans la maison familiale, qu’elle se ressource ou qu’elle poursuit son travail entre deux voyages, entre deux échappées. Car son métier qu’elle aime depuis sa plus tendre enfance la contraint au nomadisme, un mode de vie qu’elle suit avec bonheur et qui nourrit ses élans créatifs de la plus belle manière qui soit. Laure Dupont danse. Elle danse comme nous, humbles humains peu enclins à nous intéresser à notre corps, marchons, respirons, parlons. Elle danse le plus naturellement du monde.
Elle se souvient. Elle devait avoir six ou sept ans quand elle improvisait des mouvements de danse au milieu du salon. Elle se croyait seule, isolée des autres avec pour unique camarade de jeu la musique quand soudain, elle aperçoit ses parents qui la regardent, attendris en haut des escaliers. C’est un flash pour l’enfant : ainsi, comprend-elle, les autres peuvent ressentir ce qu’elle vit, ce qui l’émeut en dansant ! Il se peut que sa carrière ait débuté à cet instant précis.
Personne dans sa famille ne la prédestine à ce métier et personne, si ce n’est sa grand-mère Bertha avec laquelle elle partage le sens de la théâtralité et une tendresse particulière, ne souhaite monter sur scène. Mais la passion est là et la confiance de ses parents aussi. Laure Dupont fait ses classes de danse au Conservatoire de Sion et suit 10 à 20 heures de cours par semaine auprès de Dorothée Franc pour qui elle voue un profond respect. « Dorothée est une femme remarquable, très inspirante qui m’a permis de me former en Valais jusqu’à mes 19 ans. La plupart des danseurs professionnels quittent la maison à 14-15 ans. J’ai eu une chance inouïe. » En effet, tout semble lui sourire dans la vie et ce, avec une facilité déconcertante, comme si la danse, cet art qu’elle aime tant, lui ouvre les portes du monde et la mènent, petit à petit, sur scène et sur sa voie.
En 2002, c’est l’année des auditions. La jeune danseuse rêve de Bruxelles ou d’Anger, mais les sélections et son choix la portent finalement jusqu’à l’école-atelier Rudra-Béjart à Lausanne. Elle qui veut absolument voyager, bouger, découvrir la planète reste en Suisse, mais très vite, une nouvelle opportunité professionnelle croise son chemin. Elle rencontre en 2004 le chorégraphe et metteur en scène Cisco Aznar avec lequel elle collaborera plus de dix ans. Tout s’accélère. D’interprète elle devient son assistante alors qu’elle n’a que 23 ans. Le nomadisme s’installe dans son existence. Ce mode de vie lui permet de mieux comprendre qui elle est, d’appréhender d’autres cultures et enfin, de voir ce qui l’entoure vraiment. « J’ai compris les montagnes en allant ailleurs. »
Ses sentiers artistiques et amoureux la conduisent à La Réunion, île qui l’adopte très vite et qui devient en quelque sorte sa seconde patrie ; l’accueil y est particulièrement chaleureux. Elle rencontre Eric Languet, danseur et chorégraphe établit à La Réunion et découvre son travail basé sur le rapport à l’autre, la norme ou l’anormalité. Le handicap n’a jamais représenté autre chose que la normalité pour la jeune femme dont le père est directeur d’une importante institution pour personnes handicapées en Valais. L’inverse l’étonne, qu’on puisse avoir peur d’eux. Elle participe au concept de danse intégrée et intervient dans des centres pour personnes handicapées. « Durant ces ateliers, chacun donne le maximum de ses capacités, qu’il ait un handicap ou non. Le résultat est incroyable. Les interactions entre les personnes sont intenses. Les gestes ne sont pas retenus, alors pour nous, chorégraphes, c’est forcément une source d’inspiration énorme. »
Mais à cette époque, Laure Dupont n’est pas encore chorégraphe. Une année après son arrivée sur l’île et dix chats plus tard, elle franchit le cap et répond à une commande en créant son tout premier spectacle qu’elle nomme LABA. Elle travaille à partir d’une vidéo qu’elle réalise en collaboration avec Jean-Baptiste Alazard et s’investit sans relâche, 7 jours sur 7, presque 24h sur 24. Les voyages et les créations s’enchaînent sous le nom de « Cie Bertha » qu’elle a fondée en hommage à sa grand-mère qui riait sans cesse et s'amusait à porter des perruques mais qui, contrairement à elle, n’a pas pu tout à fait réaliser ses rêves. C’est surtout l’époque qui voulait ça.
Pour la danseuse, aller plus loin signifie s’arrêter quelque part, poser ses bagages. À 34 ans, les remises en question se font ressentir, parfois douloureusement, mais toujours de manière constructive. Elle s’interroge sur son parcours ponctué de diverses reconnaissances artistiques (prix d’encouragement de l’Etat du Valais en 2008, bourse ThéâtrePro en 2015) et elle décide de s’installer momentanément à Rome. Cette femme enchanteresse peut-elle arrêter de bouger ? Il semblerait que non. Laure Dupont revient toujours en Valais, entre deux créations en Italie, au Liban, à La Réunion ou ailleurs et du sommet de la tour de Saxon en ruine, elle contemple ces montagnes qui l’ont construites et se dit « J’ai beaucoup travaillé pour en arriver là, mais quand même, j’ai bien de la chance d’être née ici. »
http://lauredupont.blogspot.ch
Parution: avril 2017
Texte: Sophie Michaud
Photos: © Nadia Tarra
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